Le théâtre japonais a une histoire longue et riche, mais l'idée d'assister à une prestation théâtrale dans un pays étranger peut sembler intimidante. En redoutant la possibilité de ne pas suivre l'intrigue à cause de la barrière linguistique et culturelle, les passionnés de théâtre peuvent choisir de ne pas courir le risque d'être déçus et manquer l'occasion de se créer des souvenirs et d'expérimenter l'un des arts les plus importants du Japon. Mais aujourd'hui, de nombreux théâtres sont prêts à s'adapter à un public international et à leur rendre les prestations accessibles.

Ce guide a pour vocation d'être une introduction aux différentes formes de théâtre japonais et d'aider dans la prise de décision concernant l'expérience qui pourrait vous convenir le mieux.

Le Nô

Datant du XIVe siècle, le Nô est la plus ancienne forme théâtrale encore jouée aujourd'hui et figure au Patrimoine Culturel Immatériel de l'UNESCO. Contrairement à son petit frère, le kabuki, le Nô n'a jamais été un divertissement populaire et était, à l'origine, uniquement destiné à répondre aux besoins des classes supérieures. Le Shogun Ashikaga Yoshimitsu fut le premier d'une multitude de passionnés de Nô importants et de protecteurs fidèles du genre. Durant l'ère Tokugawa (1603-1868), le Nô a gardé son rôle de divertissement réservé à l'élite. L'expression et le style de narration dans les pièces de Nô sont devenus extrêmement codifiés au cours des siècles, une tradition toujours respectée à ce jour.

Les pièces de Nô traditionnelles sont très longues. Un programme comprend cinq pièces différentes, entrecoupées d'entractes comiques kyogen. Si les représentations actuelles tendent à être plus courtes (après tout, le public d'aujourd'hui n'est pas composé de seigneurs féodaux entourés de domestiques pouvant s'occuper de leurs affaires tandis que leurs maîtres passent la journée à se divertir au théâtre), elles n'ont pas considérablement changé en soi. Le Nô est une expérience lente, presque cérémoniale, où les émotions sont transmises à travers une gestuelle extrêmement stylisée.

Cette codification est accentuée davantage par le fait que les acteurs portent des masques, qui sont l'une des caractéristiques du théâtre Nô. Ces masques, représentant des femmes, des enfants, des personnes âgées ou des fantômes, peuvent "changer" d'expression d'une légère inclinaison de la tête de la part de l'acteur. Ces derniers étaient exclusivement des hommes et si les femmes peuvent aujourd'hui jouer dans une pièce de Nô en théorie, la tradition occupe une place importante dans cette forme de théâtre ancienne.

Les pièces de Nô sont souvent inspirées de contes traditionnels, comprenant des évènements surnaturels. Le protagoniste (shite) et son intermédiaire (waki) sont accompagnés par un chœur (jiutai) de 6-8 personnes et d'un groupe d'instrumentistes (hayashi) jouant de la flûte et des percussions et revêtus de kimono et hakama traditionnels.

Comme il n'y a pas de rideaux dans le théâtre Nô et que les lumières sont habituellement allumées durant toute la représentation, le public voit les acteurs entrer et sortir de scène par une passerelle (hashigakari). Bien qu'il n'y ait pas de décor, les acteurs habillés de manière élaborée utilisent des accessoires stylisés, tels que des éventails.

Les passionnés de théâtre pourront expérimenter le Nô au Théâtre National du Nô de Tokyo, au Théâtre Nô Ohtsuki d'Osaka, ou avec un peu de chance et de détermination, dans l'une des magnifiques scènes ouvertes de temples ou de sanctuaires.

Il n'y avait pas d'audio-guide en anglais disponible lorsque nous avons visité le Théâtre Nô Ohtsuki près du Château de Osaka en 2013, mais le théâtre nous a apporté des informations complémentaires sur l'art du Nô et le jeu théâtral en lui-même, comme l'aurait fait un dépliant anglais.

Le Kabuki

Comme le Nô, le kabuki fait partie du Patrimoine Culturel Immatériel de l'UNESCO. Il est plutôt amusant que la forme théâtrale japonaise la plus connue aujourd'hui se soit développée en opposition à la "rigidité" du théâtre Nô, dans le but de "choquer" le public avec des histoires brèves et plus modernes. Si le Nô était un grand art au Japon de Tokugawa, le kabuki marque l'avènement de la culture populaire. Des représentants de toutes les classes sociales se mêlaient entre eux dans le théâtre. Naturellement, le shogunat n'était pas un grand fan du genre.

A ses débuts, après la première représentation en 1603, le kabuki était un domaine purement féminin. Ce kabuki féminin alliant musique, théâtre et danse n'a duré que 26 ans avant d'être censuré car il était jugé trop érotique. La solution tout indiquée (remplacer les actrices par de jeunes garçons) ne résolut pas les problèmes d'inconvenance associés au kabuki, jusqu'à ce que les hommes s'emparent de la scène et que le cœur du kabuki évolue de la danse vers le théâtre.

S'il existe quelques troupes composées de femmes, le kabuki est toujours caractérisé en grande partie par des acteurs masculins jouant tous les rôles. Les acteurs spécialisés dans l'interprétation de rôles féminins sont appelés onnagata, et sont les grandes vedettes de la scène kabuki. Vêtus de costumes élaborés aux couleurs vives, les acteurs ne portent pas de masques, mais sont reconnaissables au maquillage blanc qu'ils arborent, agrémenté de détails suivant un code-couleur (rouge pour les bons, bleu pour les méchants).

Bien que le kabuki ait été considéré comme étant beaucoup plus moderne que le Nô dans le Japon de Tokugawa, il est de plus en plus stylisé aujourd'hui. Pour camper leurs personnages, les acteurs tiennent des poses audacieuses et exagérées appelées mie qui - si elles sont exécutées de manière saisissante - amène le public à crier le nom de la maison à laquelle appartient l'acteur en question.

A présent, le kabuki est considéré comme un grand art, mais il a été célèbre de tout temps pour son impressionnante utilisation d'effets spéciaux tels que des scènes tournantes, des trappes, des monte-charges ainsi que d'autres mécanismes destinés à produire des entrées surprenantes et des transformations subites. En rassemblant tous les ingrédients d'un film estival moderne à gros budget, le kabuki relate un éventail d'histoires variées, allant des récits historiques (les 47 ronin) à ceux de la vie quotidienne. Ces deux arts s'influençant fortement l'un de l'autre, le kabuki a traditionnellement partagé de nombreuses intrigues avec le bunraku. Depuis longtemps, les pièces de bunraku ont été adaptées pour le kabuki, et vice versa.

Les visiteurs étrangers peuvent assister à une représentation de kabuki au Théâtre Kabuki-za de Ginza, à Tokyo, qui a recours à un système de sous-titres incroyablement pratique plutôt qu'à des audio-guides.

Pour les passionnés de kabuki préférant une mise en scène plus traditionnelle, le Grand Théâtre Konpira de Kotohira ou théâtre Kanamura-za, plus ancien théâtre de kabuki subsistant au Japon, organise des représentations annuelles durant un mois, souvent au printemps. Le reste de l'année, le théâtre (y compris les coulisses) est ouvert au public, ce qui constitue une expérience merveilleuse pour les férus de théâtre.

Le Bunraku

Dernier mais non des moindres : le bunraku, théâtre de marionnettes traditionnel japonais. Aussi connu sous le nom de ningyo joruri, le premier spectacle de bunraku s'est déroulé à Osaka, en 1684.

Le bunraku n'a pas énormément de points communs avec le théâtre de marionnettes occidental. Les marionnettes, qui peuvent mesurer plus d'1,5 mètres, sont animées par trois marionnettistes qui doivent être en parfaite harmonie pour donner vie au personnage. Le marionnettiste principal met en mouvement la main droite et la tête, un second bouge la main gauche, et un autre est responsable des jambes et des pieds. Tous les marionnettistes s'exécutent sur scène, à la vue du public. Pour ne pas détourner l'attention du jeu scénique, les marionnettistes animant la main gauche et les pieds sont vêtus de noir et encapuchonnés. En respect des années d'entraînement précédant l'honneur d'occuper cette position, seul le marionnettiste principal est à visage découvert.

Les têtes des marionnettes sophistiquées sont faites en bois, et certaines d'entre elles peuvent se transformer si le cadre surnaturel d'une histoire l'exige.

Le chanteur (tayu) et le joueur de shamisen, tous deux parties intégrantes de l'expérience, sont situés sur le côté de la scène. Il n'y a qu'un seul tayu par pièce, et il a la responsabilité d'insuffler la vie aux marionnettes. Comme il doit donner une voix propre à chaque personnage de manière souvent très exagérée pour susciter un maximum d'émotions, son travail est éprouvant et relève du véritable défi.

Contrairement à ce que l'évocation de marionnettes suggère, le bunraku, qui partage plusieurs intrigues avec le kabuki, est connu pour ses pièces où il est question de suicide amoureux et n'a pas vocation à être un théâtre éducatif à destination des enfants. Si le kabuki offre aux acteurs individuels une scène leur permettant de se distinguer, le bunraku est plus fidèle aux scripts originaux et est considéré comme un théâtre d'auteur.

Le Théâtre National de Bunraku dispose d'un audio-guide pour aider les visiteurs internationaux à suivre l'intrigue et les tenir informés de symboliques importantes ainsi que des tropes musicaux afin d'augmenter leur plaisir et leur appréciation de ce type de théâtre.

Pour les fans internationaux de bunraku qui souhaiteraient en apprendre davantage sur cet art unique, la Troupe de Marionnettes Tonda organise des programmes d'échanges internationaux pour les étudiants.