J’écris cet article dans une chambre, sur tatamis et futon, au sein d’un immense centre de cure onsen, dans la montagne du Nord de l’île d’Honshu. Précisément à Tamagawa Onsen.
Notre étape a été une nouvelle fois montagneuse, dans ce périple à vélo qui nous mène du grand Nord d’Hokkaido (Abashiri) à l’extrême sud (Kagoshima). Nous avons traversé toutes les nuances de gris de ce début septembre bien chargé en nuages. Aujourd’hui nous avons été sous le gris, puis dans le gris, et pour finir un peu à côté du gris, presque au soleil !
Nous avons donc quitté les bords du lac Towadoko après que le ciel ait fini de s'y vider durant toute la nuit, sommes montés quelques kilomètres au-dessus puis redescendus dans la plaine de Kusano, avant de remonter à plus de 1000m le long d'une belle vallée bordée de fleurs en tous genres... Un peu plus de 80km, une belle étape de montagne.
A la bascule en haut du dernier col, le temps s'est remis subitement au tiède, presque au beau temps. L'odeur de soufre nous indique que nous arrivons au onsen. Nous avons eu toutes les peines du monde, hier soir, à faire réserver une chambre dans ce centre de cure, au patron de l’hôtel où nous logions, près du lac Towadoko. Visiblement, ni lui ni les responsables des réservations du centre de cure n’avaient vraiment envie de nous faire séjourner dans ce lieu. Nous n’avions pas compris pourquoi, mais avions lourdement insisté pour obtenir cette chambre triple, dans ce qui ressemble à une « Mecque » du onsen.
Même s’il est bien souvent très soigné au Japon, l’accueil ici est vraiment attentionné, et on sent que l’établissement peut accueillir beaucoup de monde en haute saison. De grands parkings pour les bus, du personnel présent pour prendre vos bagages, ranger les vélos, etc.
Dès l’arrivée, on assiste au défilé en uniforme (constitué d'un yukata et de sandales un peu moches) des dizaines de curistes plus ou moins alertes dans un labyrinthe de couloir desservant de minuscules cellules sur tatami. La nôtre est au fond à gauche puis à droite en haut, puis redescendre à gauche avant l'étage des bains, puis en haut tout au fond... Vous ne pouvez pas vous tromper c'est la 618.
A peine arrivée, nous prenons la direction de la soufrière qui alimente ce lieu particulier où nous sommes les seuls occidentaux aujourd'hui (comme depuis le début du périple commencé il y a 16 jours, d’ailleurs).
Certains curistes viennent profiter de la chaleur du lieu et de l'air soufré sans doute bon pour leurs maux. Ils se couchent sous des toiles ou directement au bord du chemin, à même le sol ou encore sur de petits tapis de paille. Ils font silence, ferment les yeux et restent là, de longs moments allongés dans cet étrange décor.
L'atmosphère est irréelle : entre les vapeurs, les couleurs, les gens allongés, le bruit des souffles du volcan.... On est quelque part dans un autre bout d'un autre monde.
Leur traitement consiste à réchauffer le corps et respirer cet air jusqu’à sentir une fièvre monter. Puis ils s’arrêtent et partent aux bains.
Sans se plier à cette première étape du traitement (on se sent un peu étrangers à ce processus de cure, c’est bien normal), nous prenons la direction du bain chaud. Dans un immense bâtiment tout en bois, des troncs d'arbres entiers soutiennent une magnifique charpente. Les bains sont tous en bois. L'eau du volcan les alimente. Certains bains sont "100%" à l'eau soufrée, d'autres à 50%... Celui à 100% pique les blessures (je vous laisse imaginer où, nos heures de selle nous ont un peu entamé les chairs...). Un sauna et des « sarcophages sauna » sont aussi à disposition. On les essaye tous... Quel bonheur !
Comme toujours dans ces lieux, l’ambiance est complètement sereine. Dans la vapeur les visages se dessinent, Jybe, Francis et moi sommes un peu en apesanteur dans ce drôle de décor. On apprécie la chance que l’on a d’être là, dans un lieu si étrange et si fortement imprégné de culture japonaise.
Nous quitterons cet endroit demain, pour filer vers Daisen et continuer notre route au Sud, mais cette étape restera l’une des plus belles de ce début de voyage.