La région de Matsue occupe une place centrale dans les mythes de la création du pays par les dieux, tels qu’ils sont écrits dans le Kojiki, plus ancien livre du Japon. Le nom de l’actuel département de Shimane s’écrit d’ailleurs en japonais « 島根 », qui signifie littéralement « racine de l’île ». Matsue et ses environs abritent ainsi de très nombreux sites liés la mythologie, à commencer par Izumo-taisha, le deuxième plus important sanctuaire shintoïste du Japon, facilement accessible depuis le centre-ville.
Le Sanctuaire Yaegaki
Écrit en 712, le Kojiki narre comment les dieux ont créé le pays et comment ils l’ont confié à la famille impériale. Selon cet écrit ancien, le couple divin originel formé par Izanagi et Izanami engendra trois enfants dont l’impétueux dieu Susanoo et la déesse du soleil Amaterasu. Susanoo causa de nombreux problèmes à sa sœur, ce qui lui valut d’être banni du ciel et envoyé sur terre. Là, il combattit le dragon à huit têtes Yamata-no-Orochi et gagna en récompense la main d’une princesse.
C’est au sanctuaire Yaegaki, situé dans l’actuelle Matsue à 20 minutes de bus du centre-ville, que le mariage (première union du Japon selon le Kojiki) eut lieu. Le bâtiment principal est relativement commun mais c’est avant tout pour le « miroir d’eau » que l’on visite ce lieu. Il s’agit d’un petit étang que l’on découvre au bout d’un chemin serpentant sur quelques dizaines de mètres, au cœur d’un bosquet d’arbres centenaires et de bambous. Comme le mythe raconte que la princesse se mira à la surface de cette eau avant d’épouser son mari le dieu Susanoo, de nombreuses jeunes femmes viennent y interroger les dieux sur leur avenir amoureux ! On fait flotter sur l’eau un papier divinatoire acheté au sanctuaire et on y dépose une pièce de monnaie (idéalement de 5 yens). Si le papier coule rapidement, vous trouverez l’âme sœur dans un avenir proche ; dans le cas contraire, il vous faudra être patient. Par ailleurs, si le papier disparaît loin de vous, votre prochain(e) partenaire sera quelqu’un que vous ne connaissez pas encore...
Le Vieux Port de Mihonoseki
Susanoo eut de nombreux descendants, dont le dieu « Ôkuninushi ». Ce dernier était plus faible que sa centaine de frères, qui ne se gênaient pas pour le martyriser régulièrement. Aidé par un lapin qui lui délivra un bon oracle, il parvint cependant à prendre le dessus et à devenir le seul et incontesté « grand maître du pays » (signification exacte de son nom). Un jour, la déesse du soleil décréta que l’administration de la terre lui revenait de droit et envoya des messagers pour demander à Ôkuninushi de se soumettre sans résistance. Celui-ci hésita et demanda à son fils Kotoshironushi de prendre cette lourde décision ; il décida d’accepter.
Le dieu Kotoshironushi est vénéré au sanctuaire Miho-jinja du vieux port de Mihonoseki, à une heure de route du centre-ville de Matsue, et à 20 minutes de la gare de Sakaiminato. L’ambiance particulière de ce lieu hautement sacré est saisissante. Deux bâtiments jumelés érigés au pied d’une colline accueillent Kotoshironushi et sa mère. Devant eux, le vaste « bâtiment des prières », ouvert sur trois côtés, prend pour modèle les hangars à bateaux qu’utilisaient autrefois les pêcheurs. Chaque jour à 8h30 et 15h30, une ou deux jeunes prêtresses dansent ici une miko-maï. Habillées de rouge et de blanc, elles rendent hommage aux dieux en dansant, en agitant des grelots et en agitant une branche d’arbre fraîchement coupée. Miho-jinja est l’un des derniers sanctuaires shintoïstes du Japon où cette cérémonie envoûtante a lieu quotidiennement et durant laquelle les visiteurs sont libres de photographier ou de filmer tant qu’ils respectent la solennité du sanctuaire. Le dieu Kotoshironushi fut assimilé au moyen-âge à Ebisu, divinité des pêcheurs et des marchands. C’est à ce titre le plus important sanctuaire dédié à Ebisu parmi les 3.385 recensés dans tout le Japon. Quelques auberges permettent aux visiteurs de passer la nuit dans ce coin de Japon authentique et reculé...
Deux grands festivals viennent animer le petit bourg de Mihonoseki tous les 3 décembre et 7 avril. Tous deux recréent des épisodes importants de la mythologie japonaise, dont celui où Kotoshironushi, consulté par son père Ôkuninushi, décide d’accepter la requête de la déesse du soleil et consent à lui « céder le pays ». En échange de cette abdication, Ôkuninushi se fait construire un immense sanctuaire : c’est le grand sanctuaire Izumo-taisha.
Le Grand Sanctuaire Izumo-taisha
Izumo-taisha, un des plus anciens lieux de culte de la religion shintô, est incontestablement un des trois sites incontournables du département de Shimane, avec le centre-ville de Matsue et le jardin du Musée d’art Adachi . Quand Ôkuninushi abdique, il confie la direction du « pays » aux descendants de la déesse du soleil, qui ne sont rien de moins que les ancêtres mythiques de la famille impériale. Ceci fait d’Izumo-taisha le deuxième plus important sanctuaire du Japon, après le sanctuaire d’Ise où l’on vénère justement Amaterasu, déesse du soleil.
Le grand sanctuaire est un vaste complexe constitué de plusieurs bâtiments. L’ensemble est situé à une heure de train de Matsue. Pour vous y rendre, la ligne de train Ichibata longeant la rive nord du lac Shinji est conseillée. Le bâtiment principal, haut de 24 mètres et classé Trésor national, est (en taille) le plus grand sanctuaire du pays. La version actuelle date du milieu du 18ème siècle et est restaurée de façon traditionnelle tous les 60 ans, travaux durant lesquels on remplace notamment le toit, composé entièrement d’écorce de cyprès et épais par endroits de près d’un mètre. On pense qu’une version précédente (au moyen-âge) était deux fois plus haute.
L’intérieur du sanctuaire n’est pas ouvert au public, et seuls les prêtres de haut rang peuvent y pénétrer. Pour apprécier cette énorme structure au mieux, empruntez le chemin faisant le tour du bâtiment. Au passage, vous remarquerez des sculptures de lapin ; il s’agit de l’animal divin qui aida Ôkuninushi à conquérir le pouvoir. À quelques dizaines de mètres de là se dresse le « pavillon des danses », bâtiment alliant avec beaucoup de goût matériaux modernes et architecture traditionnelle. Sous l’avancée du toit pend une gigantesque « shimenawa », corde utilisée pour marquer l’entrée d’un lieu sacré. Celle-ci est la plus grande du pays, faite de près de 5 tonnes de paille de riz !
Dans l’ancien calendrier lunaire utilisé au Japon jusqu’à la fin du 19ème siècle, le 10ème mois s’appelait « kan’na-zuki » (mois sans dieux) car on racontait que durant cette période tous les dieux du pays quittaient leurs sanctuaires respectifs pour assister à Izumo à une grande réunion présidée par Ôkuninushi, destinée à déterminer les récoltes et le destin des hommes pour l’année à venir. Aujourd’hui encore, de grandes festivités ont lieu pendant ce qu’on appelle uniquement à Shimane le « kamiari-zuki » (mois avec les dieux)... C’est parce que le dieu d’Izumo-taisha décide du destin des hommes, et notamment de leurs rencontres, que de nombreux et nombreuses célibataires viennent prier ici pour trouver l’âme sœur. De nombreux couples reviennent remercier le dieu de ses bons offices une fois ce vœu réalisé.
Le Bain Des Dieux
Après toutes ces visites, quoi de mieux qu’un bon « onsen » (spa japonais) pour se ressourcer ? Cela tombe bien, puisque Matsue abrite le grand quartier thermal de Tamatsukuri Onsen, surnommé de « bain des dieux » ! Écrit il y a 1.300 ans, le Kojiki fait déjà mention des eaux qui jaillissent ici naturellement. De nos jours, une quinzaine d’hôtels et de ryokans (auberges traditionnelles) de qualité bordent une petite rivière qui se jette à proximité dans le lac Shinji. Après vous être relaxé dans des bains traditionnels, vous aurez plaisir à vous promener le long du cours d’eau, où sont aménagés plusieurs bains de pieds reliés au réseau d’eau de source naturellement chaude. Le quartier Tamatsukuri est à 20 minutes en train ou en bus du centre-ville de Matsue.