Le « nouveau volcan de l’ère Shōwa » (Shōwa-shinzan) (Photo: Katherine Moore)

Tōya: le Repère des Volcans Jumeaux

Avec les monts Usu et Shōwa, Tōya est sur ses gardes!

Le « nouveau volcan de l’ère Shōwa » (Shōwa-shinzan) (Photo: Katherine Moore)
Julian Bohler   - 6 min read

Aujourd’hui, j’ai pris le train pour me rendre à Tōya Onsen, une ville située dans le Parc national de Shikotsu-Tōya, à environ 2 heures au sud de Sapporo.

La ville se trouve juste à côté du lac Tōya, immense lac de caldeira parfaitement circulaire avec en son centre une île constituée de volcans endormis, elle aussi de forme circulaire. A proximité, le mont Usu (Usu-zan) leur fait néanmoins de l’ombre : plus haut, plus grand, ce volcan est toujours hautement actif. Dans les années 40, après plusieurs décennies de calme, le réveil du volcan fut brutal : une éruption violente contraignit la population locale à fuir la ville. Un nouveau volcan, plus petit, s’éleva à côté du mont Usu à une vitesse effrayante (d’un point de vue géologique) : 400 mètres en 2 ans seulement ! Le mont Usu a donc aujourd’hui un petit frère, le mont Shōwa (Shōwa-shinzan, le « nouveau volcan de l’ère Shōwa »), qui fume et gronde furieusement à ses côtés. Et grâce à toute cette chaleur accumulée sous la surface, le lac ne gèle jamais !

Malgré tout, la consternation fut grande car même si le volcan tirait son nom de l’empereur régnant (l’Empereur Shōwa, plus connu sous le nom de HiroHito, fut au pouvoir pendant la Seconde Guerre Mondiale), la population interpréta son apparition comme une sorte de mauvais présage. Qui plus est, la lueur dégagée par l’éruption, de même que ses fumées, fournissaient des points de repère aux bataillons ennemis lors des bombardements. La croissance rapide du volcan fut référencée et documentée par un postier de la région, qui choisit de rester sur place. Il se servit de sa fenêtre pour mesurer l’évolution du volcan, et en est aujourd’hui devenu l’heureux propriétaire.

En 1977 et en 2000, le mont Usu entra à nouveau en éruption, les flammes se déversèrent sur la ville de Tōya Onsen et la zone fut encore une fois évacuée. A la périphérie de la ville, on peut encore voir aujourd’hui les vestiges d’un hôtel qui fut à moitié dévoré par la lave, ainsi qu’une voiture fondue.

Sur place, le Musée Volcanologique retrace l’histoire de ces jumeaux et constitue une excellente entrée en matière si vous souhaitez en apprendre plus avant d’aller les voir de plus près, au cœur d’une lave encore en fusion. La peur d’une nouvelle éruption est palpable et hante les habitants, d’autant plus qu’elle paraît très probable. Au Shōwa-shinzan comme au Usu-zan, partout où vous irez, des panneaux indiquent la marche à suivre en cas de catastrophe. Le jour où ces flammes destructrices se déverseront à nouveau, écrasant tout sur leur passage, est clairement redouté…

Mais cela ne signifie pas pour autant que la ville est inhospitalière. Au contraire, c’est un endroit magnifique à visiter ! En 2008, le luxueux Windsor Hotel de Tōya Onsen fut choisi pour accueillir le sommet du G8.

Une fois arrivée à mon hôtel, situé au bord du lac, j’ai posé mes bagages avant de partir à la rencontre des jumeaux volcaniques. Alors que je prenais une photo du lac, la patronne de l’hôtel, qui promenait son chien, vint à ma rencontre et semblait particulièrement préoccupée pour moi. En réalité, elle avait peur de me voir mourir de froid avec mes habits. Pendant que je lui montrais les 4 couches de vêtements que je portais pour la rassurer, son chien en profita pour me sauter dessus et laisser ses empreintes, mouillées et pleines de boues, sur mon jean. La propriétaire en fut tellement confuse qu’elle insista pour me déposer au sommet du téléphérique, sur le volcan. Un mal pour un bien puisqu’au final, le téléphérique était fermé en raison de vents violents. J’aurais vraiment été frustrée de devoir rebrousser chemin et rentrer à l’hôtel après avoir grimpé cette colline. Plus tard, j’ai remercié le chien...

Au retour, la descente vers le lac fut néanmoins très agréable et c’est d’ailleurs pendant cette heure de marche que je compris enfin pourquoi les Inuits utilisent tant de mots différents pour désigner la neige et la glace. Tout d’abord, cela permet d’enjoliver les conversations, mais plus vous passez de temps au contact de la neige, plus vous comprenez qu’il y en a en réalité des dizaines et des dizaines de sortes différentes ! En hiver, Hokkaido devient une véritable vitrine et en contient toutes les formes possibles. Au bord du lac, j’en trouvais encore un nouvel exemple : juste au niveau de la jetée, au-dessus du lac, de la glace se formait sous la structure en bois. L’eau, qui venait lécher les pylônes, était gelée en raison du froid glacial. Des rangées de larmes aux formes parfaites s’accrochaient alors fermement aux pieds de la jetée. Un curieux phénomène, mais ô combien hypnotisant.

Julian Bohler

Julian Bohler @julian.bohler

Born in France, I was twenty years old when, passing by a local bookstore, a book about Japanese characters caught my attention. This was my first encounter with Japan, and one that would change my life in many ways. Earning a degree in Japanese Studies with a major in Japanese religions and f...